Le thé (чай), qui désaltère en été et réchauffé en hiver, est la boisson (напиток) nationale russe, à tel point qu’il existe un mot spécial pour designer le fait de prendre le thé (чаепитие) et que pourboire se dit чаевые, de l’expression дать на чай (donner pour le thé).
Les Russes n’ont rencontré le thé que dans la première moitié du XVIIe siècle. Pendant longtemps, en raison de son coût élevé, le thé était inaccessible même aux personnes à revenu moyen. Boire du thé, donc, était considéré comme l’un des symboles d’une vie prospère. L’hôtesse de maison gardait le thé non pas dans la salle à manger, mais dans sa propre chambre, à clé, dans une boite-théière spéciale.
Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que le thé est devenu disponible et est entré dans la vie russe: pas une seule réunion ou célébration familiale, un mariage ou un accord commercial n’ont été conclus sans boire du thé. La consommation de thé en Russie s’est remplie de sa propre philosophie, devenant une sorte de consolation aux jours de tristesse ou, au contraire, une occasion de partager la joie avec des êtres chers. Et, bien sûr, le thé est devenu le sujet de nombreuses peintures.
Boris Koustodiev «Femme de marchand prenant le thé»

- L’oeuvre se trouve au Musée Russe à Saint-Petersbourg;
- titre russe : «Купчиха за чаем» (Борис Кустодиев)
- année : 1918
- années de vie du peintre : 1878-1927
Sans doute, aucun autre peintre n’a accordé autant d’attention au thé en tant qu’élément de la vie russe. La tradition de boire du thé près d’un samovar est un sujet fréquent des oeuvres de Koustodiev sur la vie populaire, provinciale et marchande de la Russie à la fin du XIXe – début du XXe siècle.
Boris Kustodiev a eu de la chance d’être un élève du célèbre peintre russe Ilya Répine, mais il s’est éloigné du réalisme de son professeur et a commencé à chercher sa propre ligne créative. Même dans les moments les plus difficiles de sa vie, confiné dans un fauteuil roulant, il a continué à peindre: c’est au cours de cette période qu’apparaissent ses œuvres les plus vives, lumineuses et gaies, comme ce tableau.
Kuzma Petrov-Vodkin «Autour du samovar»

- L’oeuvre se trouve à la Galerie Tretiakov, Moscou
- titre russe : «За самоваром» (Кузьма Петров-Водкин)
- année : 1926
- années de vie du peintre : 1878-1939
Les contemporains qualifiaient Kuzma Petrov-Vodkin comme « un vieux peintre d’icônes russes qui, par hasard, est tombé dans le futur ». Petrov-Vodkin a peint de nombreuses natures mortes, des peintures de genre, des portraits, conçu des costumes et a travaillé toute sa vie comme artiste de théâtre, mais il est devenu célèbre dans le monde entier avec un tableau « Cheval rouge au bain » (Купание красного коня).
Dans ses peintures, apparait une variété d’articles ménagers, tels que des enveloppes, des boîtes d’allumettes, des encriers et des magazines. Petrov-Vodkin a beaucoup expérimenté la représentation des textures: des objets mats avec une surface rugueuse contrastant souvent avec des objets lisses et poli comme un samovar, une théière ou une carafe.
Konstantin Korovin «Autour de la table de thé»

- L’oeuvre se trouve au musée Polenovo à Moscou
- titre russe : «За чайным столом» (Константин Коровин)
- année : 1888
- années de vie du peintre : 1861-1939
Konstantin Korovin passe l’été 1888 dans le domaine de son ami peintre Vassily Polenov, près de Moscou. Là, il y peint les invités et les propriétaires de la maison réunis le matin autour du samovar. Les visages des gens intéressent peu l’artiste, l’essentiel pour lui est de transmettre l’ambiance générale d’un matin d’été léger, calme et harmonieux. L’artiste disait souvent que le paysage ne devait pas être peint uniquement parce qu’il est beau: «il doit y avoir une histoire de l’âme humaine».
L’artiste a passé les 16 dernières années de sa vie à Paris. Paris était une place à part dans l’œuvre de Konstantin Korovin et il a créé de nombreux paysages de la capitale française.
Constantin Makovski «À l’heure du thé»

- L’oeuvre se trouve au Musée d’art à Oulianovsk
- titre russe : «За чаем» (Константин Маковский)
- année : 1914
- années de vie du peintre : 1839-1915
Konstantin Makovsky était l’un des artistes russes les plus appréciés et les mieux payés de la fin du XIXe siècle. Au début de sa carrière, il peignait souvent des portraits sur commande et a fini par devenir le portraitiste le plus en vogue de Saint-Pétersbourg. Ses tableaux se vendaient bien aux États-Unis, il reçut une médaille d’or pour son travail lors de l’Exposition universelle de Paris de 1889 et la Croix de chevalier de la Légion d’honneur.
S’intéressant beaucoup à l’antiquité russe, il collectionnait des bijoux, des vêtements, des objets de la vie quotidienne russe, qu’il représentait souvent dans ses tableaux.
Peu après avoir fini ce tableau, Konstantin Makovsky eut un accident: un tramway percuta son équipage, le peintre en mourut. Sa tombe n’est pas conservé jusqu’à nos jours: elle a été détruite pendant les émeutes de la révolution russe de 1917.
Vassily Bakcheev « Prose de vie »

- L’oeuvre se trouve à la Galerie Tretiakov à Moscou
- titre russe : «Житейская проза» (Василий Бакшеев)
- année : 1893
- années de vie du peintre : 1862-1958
Contrairement aux autres tableaux joyeux et lumineux, l’atmosphère de « Prose de vie » est chagrinante. La tradition de boire du thé qui rassemble les gens, dans ce cas ne fait que les diviser et souligne le drame personnel de chacun.
Maître du paysage russe et de la peinture de genre, Vassily Baksheev était l’un de ces artistes de l’ancienne génération, qui a été formé à l’époque pré-révolutionnaire. Cependant, il a su adapter son art au changement du climat politique et aux demandes du socialisme. Ses peintures, particulièrement des scènes de genre, lui ont crées la réputation d’artiste-réaliste, qui développait les meilleures pratiques de la peinture russe.
La langue russe utilise certaines expressions relatives à la consommation de thé:
« чайку-с? » (translittération: tchaykou-s) – « du thé? » de manière archaïque, utilisé par les pré-révolutionnaires.
« гонять чаи » (translittération: goniat’ tchaii) – faire courir les thés, c’est-à-dire boire le thé pendant des périodes trop prolongées.